Réhabilitation des fusillés pour l'exemple - Le Dossier.

Diaporama Fusillés Pour l'Exemple
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2012

 

Discours pour le 11 novembre 2012
 

 Citoyens et citoyennes, chers amis, chers camarades,

 

Je vous salue au nom de la Fédération départementale de la Libre Pensée.

Commémorer l’armistice qui mit fin à la première guerre mondiale, c'est pour la Libre Pensée, fidèle à sa tradition pacifique internationaliste, œuvrer pour la réhabilitation collective des fusillés pour l'exemple victimes de la barbarie coutumière dans toutes les guerres.

Un combat que nous menons depuis plusieurs années aux côtés de la Ligue des droits de l'Homme, de l'ARAC, de l'Union pacifiste et du Mouvement de la Paix, rejoints en Gironde cette année par la Ligue de l'Enseignement.

 

En août 1914, ils avaient le plus souvent entre 17 et 25 ans, ils pouvaient en avoir 30 ou 40.

Ils avaient tout abandonné pour revêtir l'uniforme.

Très vite, ces hommes comprirent que cette guerre n'avait pas de sens. De faux espoirs en faux espoirs, de dernières batailles en dernières batailles, ils finirent par ne plus pouvoir prévoir la fin de la guerre dont ils étaient les acteurs et dont l'utilité ne leur paraissait plus du tout évidente.

 

"Chaque putain de guerre écrit un poilu, Henri Aimé GAUTHÉ, dans son journal de guerre, en septembre 1914, chaque putain de guerre représente les mille douleurs de celui qui la porte, mille morts de ceux que le combat a fauchés, et les mille jouissances des ventres et des bas-ventres de l'arrière. Voilà ce qu'elle crie cette putain de guerre : (...) est un naïf celui qui croit que les mots cachent des idées, que les idées feront du bonheur, et qui n'a pas vu quelles bacchanales son dévouement permettait derrière le mur formidable des discours, des proclamations, des compliments et de la censure."

 

Citoyens et citoyennes, chers amis, chers camarades,

 

Le bilan de la Première Guerre mondiale est effroyable. Sur 8 millions de mobilisés entre 1914 et 1918, près de deux millions de jeunes hommes ne revirent jamais le clocher de leur village natal.

1 397 000 soldats et 300 000 civils morts pour notre seul pays.

Mais si les noms de près d'1 million et demi sont gravés dans la pierre froide des monuments de nos villes et de nos bourgs, ce n'est pas le cas de tous, ce n'est pas le cas des fusillés pour l''exemple.

 

Car à cette horreur s’ajouta la terreur instituée pour faire obéir les hommes. 

D’août 1914 à septembre 1918, les conseils de guerre ont prononcé 2 500 condamnations à mort ; ce sont 650 soldats qui ont été fusillés "pour l'exemple", des hommes choisis au hasard - parfois même en raison de leur engagement syndical - jugés rapidement par des conseils de guerre spéciaux improvisés, condamnés à mort sans moyen de se défendre, sans recours possible. Sans compter les exécutions sommaires (les officiers pouvaient alors légitimement abattre sans jugement un soldat).

 

Insulter un officier ou s’endormir lors d’une garde, se dissimuler pour éviter de monter à un assaut suicidaire ou ne pouvoir y monter en raison de l’épuisement ou d’un état de choc psychologique, battre en retraite sans y être autorisé alors qu’on faisait partie des rares survivants d’une attaque, refuser d’aller rejoindre dans la mort des milliers de camarades des précédentes vagues d’assaut, proférer des propos jugés séditieux alors que l’on est saoul, autant de prétextes à des condamnations à mort par des officiers qui voulaient à tout prix imposer leur autorité, voire exorciser l’incompétence criminelle du Haut Commandement comme lors de l’offensive d’août 1914 ou celle du Chemin des Dames en 1917.

 

Citoyens et citoyennes, chers amis, chers camarades,

 

Ce que nous voulons c'est la réhabilitation de ces Fusillés pour l'exemple, une réhabilitation collective et non au cas par cas. Ni grâce, ni pardon, mais simplement la justice pour ces hommes. Ces 650 fusillés sont les victimes de la folie collective qui s'est emparée alors de l'Europe, notre réponse, celle qui doit être celle des hautes autorités, c'est la réhabilitation collective des 600 exécutés à qui la République n’a pas encore rendu justice. La cause de la réhabilitation des Fusillés pour l'exemple est à prendre en bloc, sinon elle n'a pas de sens, c'est un acte de justice d'Etat qui est demandé et non pas la conclusion d’enquêtes individuelles. Tous les fusillés pour l’exemple de 1914-1918 doivent réintégrer sans réserve la mémoire collective, à égalité avec les autres victimes de la terrifiante boucherie humaine qui ensanglanta le monde au début du vingtième siècle.

Comment rouvrir des dossiers dont un grand nombre a disparu sous les aléas de l’Histoire ? Alors qu'il n'y a plus de témoins dignes de ce nom ? Que dans les dossiers qui restent, dans des procès truqués dont la décision était déjà prise avant la tenue même des Conseils de guerre, les seules pièces à la disposition sont les témoignages à charge des Officiers qui n’avaient pour seul but que de faire condamner les soldats? L’impartialité de la Justice ne pourra donc être mise en œuvre.

Demander une réhabilitation judiciaire ne peut donc être une réponse adaptée à l’injustice commise. Ce serait une tromperie qui ferait traîner encore plus le dossier des fusillés pour l'exemple.

C'est maintenant, sans attendre, qu'ils doivent tous être réhabilités.

 

Citoyens et citoyennes, chers amis, chers camarades,

 

Aujourd'hui le monde entier résonne encore des bruits de la guerre, pas un continent n’est épargné par les massacres commis en uniforme, la peur des hommes, des femmes, des enfants, de vieillards est sans cesse alimentée par la violence d’autres hommes en treillis.

 

Et c'est l'Union européenne qui reçoit le Prix Nobel de la Paix ! Des Etats européens qui, depuis plus de 60 ans, se sont ralliés à toute une série d'interventions militaires sous couvert de l'OTAN, de l'ONU et des États-Unis, afin soi-disant d’apporter au Proche et au Moyen-Orient la « paix » et la « démocratie »! Combien de destructions et de victimes innocentes imputables aux bombardiers partis de Londres, de Paris, d’Italie ou d’Allemagne sur les peuples sans défense de Libye, d’Afghanistan et d’Irak ? Combien de gouvernements légitimes renversés en particulier en Afrique pour avoir commis une inadmissible faute : refuser les diktats visant à contrôler leurs ressources énergétiques ? Oubliée aussi la terrible guerre dans l'ex-Yougoslavie, où chacun a soutenu qui un belligérant, qui un autre ! Et ensuite les incendiaires jouent les pompiers...

Aujourd’hui, près de 2,50% du Produit Intérieur Brut (le fameux PIB) est consacré aux armements et à la guerre. Il en faudrait à peine 1% pour faire disparaître la faim dans le monde !

 

Quant à la paix sociale! Quelle mascarade! L'embrasement de la Grèce, de l'Espagne, du Portugal, la misère au nom de la dette, du trou creusé par les banquiers et les capitalistes... C'est cela la paix? Demain, à qui le tour ?

 

Citoyens et citoyennes, chers amis, chers camarades,

 

Aujourd'hui, nous savons l'horreur de cette guerre, la chape de plomb de la censure a été brisée par la volonté continue des citoyens. Nous savons et nous comprenons le désarroi, le refus de l'horreur, la peur du front.

Au début du siècle dernier, avant que l'Europe ne plonge dans la barbarie la plus inimaginable, où les hommes, ouvriers et paysans, se battaient contre la mort, le désespoir et les ordres, mais aussi contre leurs frères sans comprendre ni pourquoi, ni pour qui ; avant cette haine, des femmes et des hommes se sont dressés contre la guerre.

Parmi ces femmes et hommes refusant la guerre, le 25 juillet 1914, un homme, le citoyen Jean Jaurès disait :

"Citoyens, si la tempête éclatait, tous, nous socialistes, nous aurons le souci de nous sauver le plus tôt possible du crime que les dirigeants auront commis et en attendant, s’il nous reste quelque chose, s’il nous reste quelques heures, nous redoublerons d’efforts pour prévenir la catastrophe.

Quoi qu’il en soit, citoyens, et je dis ces choses avec une sorte de désespoir, il n’y a plus, au moment où nous sommes menacés de meurtre et de sauvagerie, qu’une chance pour le maintien de la paix et le salut de la civilisation, c’est que le prolétariat rassemble toutes ses forces qui comptent un grand nombre de frères, Français, Anglais, Allemands, Italiens, Russes et que nous demandions à ces milliers d’hommes de s’unir pour que le battement unanime de leurs cœurs écarte l’horrible cauchemar.

(...) j’ai le droit de vous dire que c’est notre devoir à nous, à vous tous, de ne pas négliger une seule occasion de montrer que vous êtes avec ce parti socialiste international qui représente à cette heure, sous l’orage, la seule promesse d’une possibilité de paix ou d’un rétablissement de la paix."

Le 31 juillet, Jean Jaurès est assassiné, le 1er août c'est la mobilisation générale, le 3 août le début de la guerre, le 4 août les députés SFIO votent les crédits de guerre et entrent dans le gouvernement d'Union sacrée.

Les motivations de l'assassin de Jaurès, Raoul Villain, nationaliste déclaré, partisan de la guerre, sont connues. Mais c'est un fait : Jaurès est le premier exécuté pour l'exemple. Le premier de cette guerre. Il a levé la tête pour éviter la guerre, il l'a payé de sa vie. Il est le premier homme victime de la boucherie, avant ce premier soldat qui s'élance dans la plaine, et dont la vie sera fauchée dans le premier assaut. Il est le premier exécuté sommairement sans l'ombre d'un jugement. Il a de commun aussi avec les Fusillés pour l'exemple, de s'être élevé contre la barbarie, l'infamie, la guerre. Chacun à son niveau, mais poussés par le même refus de mourir, le même désir de vivre.

« Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?» demandait Jacques Brel. La réponse tragique est : pour en tuer des millions d’autres, et pas toujours sous les balles dites « ennemies ». C’est l’horreur des Fusillés pour l’exemple que l’assassinat de Jean Jaurès a préfiguré.

Raoul Villain l'assassin de Jaurès, a été acquitté. Anatole France écrit : "Travailleurs, Jaurès a vécu pour vous, il est mort pour vous. Un verdict monstrueux proclame que son assassinat n’est pas un crime. Ce verdict vous met hors la loi, vous et tous ceux qui défendent votre cause. Travailleurs, veillez."

Jaurès assassiné ! Son assassin acquitté ! Des ouvriers et paysans de France, fusillés pour l'exemple ! Et les assassins, les bourreaux galonnés des Fusillés pour l'exemple, remerciés par la patrie...

Une même génération sacrifiée pour les intérêts des marchands de canon.

Combattre pour la réhabilitation des Fusillés pour l’exemple, ce n’est pas un simple devoir de justice pour le passé, c’est un formidable message pour le présent et l’avenir.

 

Réhabiliter les Fusillés, c’est refuser l’arbitraire et le crime en toutes circonstances, d’où qu’ils émanent, et c’est admettre comme principes démocratiques fondamentaux le droit à la désobéissance, le devoir de conscience et le désir de survivre.

 

Citoyens et citoyennes, chers amis, chers camarades,

 

Alors que le 11 novembre marquait traditionnellement le refus de la guerre, la volonté que c’était « la der des der », et que « plus jamais cela », cette année le 11 Novembre risque de prendre une tournure inédite, du fait d'une dernière duperie : la loi Laffineur. Les dates-anniversaires de conflits, de signification différente voire opposée y sont regroupées. Il s'agit d'un étrange mélange des genres, une loi fourre-tout où toutes les guerres se vaudraient, les commémorations ne seraient qu'une. La loi Laffineur, c'est le début de l'oubli, l'amputation de la mémoire, la condamnation d’une compréhension de l'histoire. La loi Laffineur ouvre la célébration des guerres sans en distinguer le fond et les formes : guerres impérialistes, guerres coloniales.

Nous demandons que la nouvelle législature abroge cette loi.

 

Citoyens et citoyennes, chers amis, chers camarades,

 

L'histoire n'a pas besoin d'être réécrite, elle se suffit à elle-même. Elle est nécessaire pour comprendre.

 

Depuis plus de dix ans, la Fédération Nationale de la Libre Pensée et ses Fédérations départementales se battent au côté de la Ligue des Droits de l'Homme, de l'ARAC, du Mouvement de la Paix et de l'Union Pacifiste pour cette réhabilitation. Dans cette période, ce qui devrait être possible aux plus hauts sommets de l'Etat, a été réalisé dans nos communes, nos départements : plusieurs conseils municipaux, 17 Conseils généraux, 3 Conseils régionaux, le dernier en Champagne-Ardennes, en juin dernier.

Depuis que nous menons ce combat, les Présidents de la République successifs, intéressés, n’ont pas conclu bien qu’ils aient tous considéré que ces soldats n’avaient pas failli.

Monsieur François HOLLANDE, alors Président du Conseil Général de la Corrèze, avait fait voter une résolution revendiquant la réhabilitation des fusillés pour l’exemple.

Il serait donc logique que le Président exauce le vœu du Conseil Général qui, d’autre part, a été rejoint par 16 de ses homologues.

Et, si nos nouveaux gouvernants se targuent d’être les héritiers du « Parti de Jaurès », comment comprendre qu'ils ne réhabilitent pas au plus vite les camarades de Jaurès, tous ceux qui sont tombés après lui ?

Le refus de l'ignominie doit être réparé, il doit être reconnu pour être condamné. Vous avez ce pouvoir, Monsieur le Président de la République. A la veille du centenaire de la Première guerre mondiale, vous avez le pouvoir de réhabiliter collectivement les Fusillés pour l'exemple.

 

Ni en 2014, ni en 2017, ni en 2018 !

Tout de suite et maintenant, dès ce 11 novembre 2012.

 

Je vous invite à cet effet à adopter deux adresses:

- la première à l'intention du Président de la République

- la seconde à l'intention des parlementaires de ce département

 

Citoyens et citoyennes, chers amis, chers camarades,

 

À bas la guerre ! À bas les fauteurs de guerre !

Guerre à la guerre !

Pour que justice soit faite :

Réhabilitation de tous les fusillés pour l'exemple !

 

 

Je vous remercie.